Conflit au Liban : mise au pas et manipulation de la presse
Une guerre dans la guerre, où les mots et les images sont des armes. D'un côté les "résistants", de l'autre la "guerre juste" ?
Alors que le Liban s'enfonce chaque jour davantage dans la confrontation tragique entre Israël et le Hezbollah (à ce jour 48 israéliens tués par les missiles du Hezbollah, et plus de mille civils libanais morts ou disparus), les deux parties au conflit mènent une vraie bataille pour le contrôle des medias.
TIRES COMME DES LAPINS
En Israël même, les journalistes de la chaine arabe Al-Jazirah sont dans le collimateur de l'armée. Mais pas seulement : le 26 juillet dernier, une vingtaine de journalistes en reportage à Gaza sont délibérément pris sous le feu d'un char de Tsahal. Récit de l'un d'eux : "Nous portions des gilets indiquant que nous étions des professionnels des médias. Puis un char de l'armée israélienne, stationné à 150 mètres, a commencé à tirer dans notre direction, nous nous sommes mis à courir mais les coups de feu ont continué". Un cameraman palestinien sera grièvement blessé, poumon perforé par un éclat d'obus, deux autres journalistes blessés.
Au Liban sud, la situation des équipes de télévision chargées de couvrir le conflit apparaît chaotique selon le CPJ (Committee to protect journalists). Les journalistes se font tirer comme des lapins, ce que réfute un porte-parole de l'armée israélienne. Lequel ajoute que les civils ne sont pas non plus délibérément visés.
Néanmoins, tous les véhicules marqués PRESS ou TV, circulant entre les villes et les villages dans la région de Tyr ont été systématiquement attaqués par l'aviation israélienne. Le 23 juillet, une photographe free-lance de 23 ans, Layal Najib (photo ci-contre), était tuée par un missile alors qu'elle circulait en taxi dans la région. L'objectif manifeste d'Israël : cantonner les journalistes dans les villes, Tyr ou Beyrouth, les empêcher d'approcher du théâtre des opérations.
L'INFO OTAGE DE LA PROPAGANDE
Dès le 13 juillet, RSF s'inquiéte du "manque de moyens mis en oeuvre pour protéger les journalistes" (sept journalistes et collaborateurs des medias blessés en deux jours).
Qu'on ne s'y trompe pas, l'organisation dirigéee par Nasran Nasrallah n'est pas en reste. La guerre de la communication constitue en effet un enjeu stratégique pour chacun des belligérants, l'information est prise en otage par la propagande.
Pendant qu'Israël pirate les émissions télé d'Al Manar (chaîne du Hezbollah) et bombarde ses installations, l'organisation politico-militaire chiite libanaise organise des "Press tours" très contestables dans Beyrouth : le journaliste de CNN, Anderson Cooper, expliquait récemment comment sa visite d'un quartier de Beyrouth avec un pool de journalistes internationaux avait été orchestrée par l'organisation combattante chiite.
Le journaliste américain était censé photographier les bâtiments indiqués par de jeunes hommes à scooter qui suivaient constamment le groupe, autorisant ou pas à filmer telle rue ou tel bâtiment. Sur les images, bien évidemment, ni armes ni combattants.
De même, les ambulances arrivant toutes sirènes hurlantes n'étaient qu'une mise en scène, destinée à permettre aux photographes de prendre des photos. Elles ne correspondaient à aucune nouvelle situation de bombardement...
Pour Anderson Cooper, "même après les bombardements, le Hezbollah rreste suffisamment organisé pour avoir une stratégie de relations publiques et contrôler son message".
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A LIRE
Israël, Hezbollah et les medias (pour l'affaire de la photo truquée découverte par des blogueurs libanais, et diffusée par Reuters)
Kevin sites, le site d'un journaliste free-lance américain.
Le quotidien L'orient-Le jour (en français)
Courrier International : "La guerre passe aussi par nos medias"