France-Soir à l'agonie, les salariés révoltés

Publié le par Philippe Gammaire

APRES CE SUPPLEMENT intitulé "Résistance", on voit mal comment le duo de repreneurs du quotidien France-Soir, Olivier Rey et Jean-Pierre Brunois, pourrait encore garder ne serait-ce qu'un seul journaliste de la rédaction. Cette édition spéciale, décidée par les salariés du journal, jette une lumière crue sur le tandem Rey-Brunois et son projet éditorial. Un projet que l'on peut résumer au terme de Trashoïd, lancé par l'écrivain Daniel Picouly dans les colonnes du journal.

UN BRÛLOT.- Seize pages, donc, qui résument la colère des salariés, décrivent les conditions de travail misérables des journalistes, soulignent les idées populistes (pour ne pas dire extrêmistes) des repreneurs, éclairent les "dessous d'un jugement révoltant". Bref, un véritable brûlot et il n'est pas interdit de penser qu'il va, en effet, rapidement devenir "collector" tant le ton est engagé, révolté. Les témoignages de personnalités (politiques, journalistes ou du show-biz) se succèdent pour donner leur avis sur cette énième convulsion du quotidien France-Soir. De José Bové à François Bayrou, en passant par Alain Delon, Guillaume Durand, Philippe Candeloro, Aimé Jacquet et bien d'autres.

Alors que les repreneurs Rey et Brunois auraient dû prendre leurs fonctions dès aujourd'hui samedi, le journal est toujours occupé par ses salariés. Mais il devrait continuer de paraître, pour ne pas aggraver une situation déjà catastrophique.

INCROYABLE FEUILLETON.- Libération annonce ce matin que les salariés font appel du jugement (du tribunal de commerce de Lille) tout en continuant leurs actions. Lire à ce propos l'article "France-Soir est toujours dans le flou". Cet appel pourraît permettre de relancer la candidature de l'homme d'affaires Arcadi Gaydamak. Sa candidature avait la préférence des salariés puisqu'il projetait de garder l'ensemble du personnel.

On en est là de cet incroyable feuilleton à rebondissements, énième avatar de l'agonie de cet organe de presse qui fut en son temps le grand quotidien du soir : du "Journal universel" de Pierre Lazareff qui vend jusqu'à 1 350.000 exemplaires à son apogée en 1957, à la chûte vertigineuse de 600.000 à 185.000 exemplaires entre 1976 et 1985 sous la conduite de Robert Hersant et jusqu'à la descente aux enfers actuelle (35.000 exemplaires pour un quotidien "national", c'est bien peu). Sur les causes de cette déchéance, lire l'excellente analyse de Patrick Eveno (histoiren des medias) dans les colonnes du Monde. 

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LE PROJET DE REPRISE.- Le tribunal de commerce de Lille a donc choisi  le projet de reprise présenté par Olivier Rey (ancien journaliste sportif) et Jean-Pierre Brunois (agent immobilier). Celui-ci prévoit la suppression de 80 emplois (60 collaborateurs directs et 20 pigistes), la mise à la trappe des services politique (à un an de la présidentielle...), culture, photo et documentation. Les secrétaires de rédaction, dans ce projet, sont tous licenciés. Ne resteraient que 33 journalistes. Curieusement, les services Diffusion (essentiel s'agissant de la vente du journal), la régie publicité (idem) et le service du personnel sont "rayés de la carte".

PORTRAIT AU VITRIOL.- Le journaliste Henri Jaune (ça sent le pseudo à plein nez) rapporte comment Jean-Pierre Brunois et Olivier Rey ont tenté de séduire la rédaction de France-Soir. Apparemment ça s'est plutôt mal passé..

Extraits : "Il faut se faire traîter d'enculés et de salopes. Sinon on ne peut pas faire un journal..." Voici l'une des certitudes braillées par Olivier Rey aux oreilles des délégués de notre personnel. Excité, frénétique, brûtal, blessant, le teint rôti, l'homme qui se prévaut de dix sept années de service public exhale si fort l'ivresse ce jour-là que l'assemblée s'en trouve incommodée" (...). Un autre jour, Olivier Rey "révèle la substantifique moelle de son projet éditorial : On ne va pas couvrir un match de foot pour raconter que Juninho a marqué un coup franc, ça on s'en bat les couilles. Moi, ce qui m'intéresse c'est de savoir dans quelle boîte de Lyon les joueurs sont sortis et si Juninho s'est tapé une pute..." (in La première gorgée de mise en bière, p.5, édition spéciale de France-Soir).

ILS EN PARLENT.-

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