Les descentes de police se multiplient dans les medias

Publié le par Philippe Gammaire

Les révélations de Midi-Libre ont suscité plainte puis perquisition de la police dans les locaux du journal

Placement en garde à vue d'un photographe de Var-Matin lundi, perquisition au siège du groupe Nice-Matin mardi, descente de la division criminelle du SRPJ de Montpellier à Midi Libre mercredi, pressions des magistrats orléanais sur France 3 à la suite d'un reportage consacré à des faucheurs volontaires d'OGM.

FRAGILE LIBERTE DE LA PRESSE

La justice prend de moins en moins de gants pour mettre la pression sur les medias et, ce faisant, porter atteinte à la liberté d'informer. Autant d'affaires bien différentes, qui montrent combien la liberté de la presse reste fragile en France, tant que le droit à la protection des sources ne sera pas inscrit noir sur blanc dans le code pénal.

A Nice-Matin, perquisition et garde à vue sont liées à une plainte sur le droit à l'image. Les quotidiens du groupe avaient publié en 2003 la photo de deux enfants assassinés par leur père.

A Midi-Libre, c'est la publication d'un pré-rapport de la Cour des comptes accablant pour l'ancien président de la Région, Jacques Blanc, qui a suscité la perquisition des locaux du journal. L'élu UMP mis en cause a porté plainte pour violation et recel de violation du secret professionnel.

Tandis qu'à Orléans, les journalistes de France 3 relatant le procès en appel de 49 faucheurs volontaires d'OGM, ont eu l'outrecuidance de critiquer la manière dont le président avait mené les débats. Et de laisser entendre que la décision des magistrats de la cour d'appel serait suivie de "très près" dans les Ministères à Paris. Relaxés en première instance, les faucheurs volontaires ont été renvoyés en appel par le parquet. Le 19 juin, le parquet ouvre une enquête en "flagrance" pour "discrédit public jeté sur un acte judiciaire" (lire à ce sujet l'article du Monde.fr et celui d'Acrimed). Résultat : les gendarmes déboulent à la rédaction et réclament la cassette du compte-rendu, tandis que le journaliste Xavier Naizet, et le rédacteur en chef de la station, Dominique Delhoume, sont entendus par des policiers, pour "commenter" le reportage.

Après la police, c’est ensuite la gendarmerie qui entre en jeu le 26 juin. Elle convoque une autre journaliste de France 3 Centre qui, elle, a couvert une nouvelle action de fauchage. On lui demande cette fois de citer ses sources. Le 27 juin, la cour d'appel rend son arrêt et condamne les faucheurs.

LES PROMESSES

DU GARDE DES SCEAUX

Au coeur de ces procédures, il y a la volonté de faire pression sur les journalistes pour qu'ils révèlent leurs sources. « À chaque affaire gênante, la solution miracle semble à portée de main : identifier de gré ou de force les sources des journalistes et leur donner des leçons de déontologie », rapportait en mai un communiqué du syndicat national des journalistes.

Lors d'un colloque organisé en juin par l'association Presse Liberté et intitulé « Les médias sous contrôle judiciaire ? », le Garde des Sceaux Pascal Clément avait exprimé le souhait d'« inscrire le droit des journalistes à la protection de leurs sources d'information (...) » et que « les collaborateurs des journalistes puissent bénéficier de la même protection que ces derniers ». « J'envisage aussi d'étendre au domicile des journalistes les règles spécifiques applicables aux perquisitions effectuées dans une entreprise de presse », avait-il ajouté.

Belle déclaration d'intention, qui ne vise au demeurant qu'à mettre en conformité droit français et droit européen. La Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg rappelle au passage que la protection des sources est « la pierre angulaire de la liberté de la presse ».

Mais le Garde des Sceaux n'a toujours pas indiqué quand il comptait inscrire cette question au calendrier parlementaire.

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Lire également les réactions (ICI et LA), suite aux perquisitions à Midi-Libre.

 

Publié dans LIBERTE D'EXPRESSION

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P
J'aime aussi beaucoup cette phrase "La nouvelle est mauvaise ?Tuez le messager". C'est un peu la version moderne de ce proverbe chinois (Lao Tseu ??)  "Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt" ;-)))
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B
Oui, Olivier, excellent...
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O
Ma phrase fétiche concernant ce problème : la nouvelle est mauvaise ? Tuez le messager !
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B
Oui, le recel, c'est un peu la tarte à la crême judiciaire...je ne suis pas assez càlé en droit pour savoir si c'est un abus d'interprétátion des textes ou s'il serait nécesaire de recadrer un peu tout ca...
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P
Tu as sans doute raison Bertrand sur la judiciarisation de notre société. Bayrou disait il y a quelques mois un truc très vrai en parlant du "gouvernement des juges". De nombreuses lois terminent en effet leur parcours devant le conseil constitutionnel... qui juge de leur légalité. Il ajoutait que la Ve république était morte et qu'il fallait en changer mais c'est un autre débat.<br /> Concernant la presse qui révèle des affaires, elle n'est évidemment pas condamnée pour les avoir révélées mais pour "recel" du secret de l'instruction ou recel d'autre chose. De mon point de vue c'est aberrant , on marche sur la tête.
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